« Ah mais non, elle est grosse. Je vous l’ai dit : il faut qu’elle soit mince pour rentrer dans mes critères. »
Jean-Phi a 47 ans. Il n’a jamais eu de relation avec une femme. Il a des critères… qu’il ne remplit pas lui-même. Charlène, elle, a des formes. Elle était intéressée, touchée, curieuse. Il a suffi qu’elle lui dise qu’elle faisait du 42 pour qu’il la raye de la carte. Pas un mot sur son rire, sa sensibilité, ses valeurs. Juste un chiffre. Charlène avait le droit d’être heureuse…point barre !
Bienvenue dans un monde où le poids sur la balance pèse plus lourd qu’une belle histoire d’amour.
Quand le corps devient une barrière à l’amour
La grossophobie ne se limite pas aux moqueries de cour de récré ou aux vêtements qui s’arrêtent au 40. Elle est omniprésente dans les applis de rencontre, dans les conversations entre ami·e·s, dans les « je ne suis pas attiré·e par les rondes, c’est juste une question de goût ». Et le pire ? C’est que cette discrimination est socialement tolérée, voire validée. « Ce n’est pas grossophobe, ce sont mes préférences. » Mais au fond, ces préférences ne seraient-elles pas construites dans un monde qui valorise la minceur comme critère d’amour, de désir… et même de mérite ?
Ce qu’on perd à juger sur la taille
Quand on exclut une personne parce qu’elle fait du 42, du 48 ou plus, on passe à côté d’un être humain entier. On refuse une histoire avant même qu’elle commence. On dit « non » à un potentiel, à une vibration, à une complicité, tout ça à cause d’un centimètre de tour de hanches. Et pendant ce temps, des gens exceptionnels, intelligents, tendres, brillants, restent dans le coin de l’écran. Invisibles. À force d’être « trop ».
Mais c’est biologique, non ? Et si on arrêtait de confondre désir et conditionnement ?
Oui, on a tous et toutes des attirances “spontanées”. Mais ce qu’on appelle “spontané”, c’est souvent ce qu’on a vu, revu, validé et glorifié depuis qu’on est gamin·e : les corps minces dans les films, les mannequins retouché·es dans les pubs, les “avant/après” qui disent que maigrir = réussir. Alors non, ce n’est pas juste biologique. C’est culturel. Appris. Répété. Intériorisé.
On nous a longtemps expliqué que notre désir venait de la nature, de nos gènes, de notre instinct de reproduction. Que les hommes choisissent des femmes “fertiles” et minces, et que les femmes veulent des hommes “forts” et protecteurs. Mais cette histoire-là, c’est pas une vérité biologique, c’est une salade qu’on nous sert depuis des siècles. Et il a bon dos, le “naturel”, quand il s’agit de justifier la grossophobie.
Parce que le vrai désir, celui qui retourne le ventre et fait battre un peu trop fort, ne vient pas d’un réflexe animal. Il vient d’un regard, d’un rire, d’un moment suspendu. Il vient de l’humain, pas de l’instinct.
Ce que vivent les personnes rondes dans l’amour
Être le plan B, jamais la vitrine.
Être draguée en cachette mais jamais assumée publiquement.
Être vue comme « trop gentille », « trop cool », mais pas « désirable ».
Se demander en boucle : « Et si je perdais 10 kilos, il m’aimerait peut-être ? »
Tu vois le souci ? On ne parle plus de séduction. On oublie que chaque personne mérite d’être aimée, sans étiquette ni rang.
« Mais moi j’ai un type de femme bien précis, » chouine Jean-Phi.
Ok, Jean-Phi, on t’entend. Mais dis-nous : ce “type bien précis”, c’est vraiment le tien, ou c’est celui que la société t’a appris à chercher ? Pas question de te forcer à aimer, juste de casser les lunettes déformantes qu’on t’a mises sur le nez.
Parce qu’aimer, ce n’est pas cocher une case sur une taille ou un poids. C’est vibrer, être surpris, vouloir creuser plus loin. Même si ça dépasse les filtres Instagram et les cases toutes faites.
Pour un amour qui regarde plus large
Il est temps de sortir de cette idée étriquée selon laquelle le corps serait le filtre de l’amour. On peut aimer un corps qu’on n’aurait jamais “choisi”. On peut être surpris·e, chamboulé·e, retourné·e. L’amour n’a pas besoin de critères de casting. L’amour, le vrai, il se glisse là où on l’attend le moins. On s’en fiche qu’il y ait des bourrelets. Et c’est très bien comme ça

